Vivre un doux post partum après des tempêtes.
Je m’appelle Lucie, je viens d’avoir 36 ans, je suis originaire de région parisienne mais je vis à Lyon depuis 10 ans.
Je suis en couple avec mon amoureux de la fac, Colin, depuis 13 ans et nous avons 2 enfants. Marius né en décembre 2016, et Gustave né en novembre 2020.
Je vais vous raconter ma deuxième grossesse car rien ne s’est passé comme prévu. La vie nous a réservé des surprises auxquelles nous n’étions pas préparés. Mais gros spoil : tout est bien qui finit bien !
Je pourrais résumer ma 2e maternité par: le stress de l’avant, l’horreur du pendant et contre toute attente le bonheur de l’après. Je pourrais aussi dire que je suis passée par toutes les émotions entre la grossesse et le post-partum.
J’ai appris que j’étais enceinte de mon 2e enfant 3 jours avant le premier confinement de mars 2020. J’aurais donc eu en tout et pour tout, 3 jours de légèreté pour toute cette grossesse. Car la crise sanitaire et plusieurs événements ont fait de cette grossesse une suite d’imprévus dont on se serait bien passés.
Début 2020, nous étions en plein dans les (gros) travaux de rénovation de notre maison, nous y passions tous nos week-end, vacances. Et parfois même le soir après le boulot jusqu’à 23h… J’étais épuisée, et dès le début de cette grossesse la fatigue a redoublé. J’avais du mal à tout, tout était difficile tant j’étais fatiguée. Le télétravail s’est mis en place dès les premiers jours du confinement. Comme nous vivions chez ma mère à cause de nos travaux, je travaillais au milieu du salon. Avec ma mère et mon fils Marius qui étaient là toute la journée.
En plus de la fatigue physique déjà insoutenable. C’est ajoutée la fatigue psychologique de ce confinement, du télétravail, des questions et des incertitudes quant à notre avenir proche.
Très égoïstement j’ai d’abord eu peur pour moi.
Et si être enceinte me rendait plus vulnérable au virus ? Et si je prenais un risque pour ma vie ? Je ne voulais pas laisser mon premier enfant et mon amoureux seuls, j’ai même effleuré l’idée d’avorter… On ne savait pas si ce virus était dangereux pour les femmes enceintes ou pour le fœtus. Mon médecin m’avait dit qu’il ne fallait vraiment pas que je l’attrape à cause de la fièvre qu’il pouvait provoquer. Et que cette fièvre risquait de provoquer une fausse couche. D’une nature pourtant très sereine, j’étais très stressée, et je sentais qu’il allait se passer quelque chose. Dès le premier mois de grossesse, j’ai eu un mauvais pressentiment, et celui-ci se révéla fondé quelques mois plus tard.
J’ai expérimenté les contractions précoces, à 3 mois de grossesse.
Et ai été mise en arrêt de travail par mon gynécologue car j’étais épuisée et travailler devenait impossible. Je dormais toutes les après-midi, la fatigue était trop forte alors que je suis en tant normal très dynamique. J’avais de plus, toujours ce pressentiment que quelque chose n’allait pas. J’ai donc arrêté de travailler pour me reposer. Et essayer de prendre mieux soin de cette grossesse à laquelle je n’avais pas encore accordé beaucoup de temps. Nous avons emménagé dans notre maison mi-mai et j’ai pu mieux me reposer durant une quinzaine de jours. Même si j’avais toujours des contractions.
Début juin, un de mes collègues de travail le plus proche s’est suicidé. 26 ans, il vivait seul et avait eu du mal à supporter le confinement. Nous le savions mais ne pouvions pas nous douter qu’il en arriverait là. Cela a été une claque, une énorme claque, j’ai pleuré pendant plus de 3 semaines, plusieurs fois par jour.
Je pensais à mon bébé et culpabilisais d’être aussi triste, j’avais peur qu’il le ressente et soit mal.
En parallèle les résultats du tri-test de trisomie 21 sont revenus pas très bons. Il fallait passer la fameuse prise de sang DPNI pour mettre de côté la maladie. Le temps de la faire nous avons abordé le sujet avec mon conjoint et n’étions pas d’accord sur l’issu si le 2e test se révélait positif. Pas vraiment le genre de conversation qu’on a envie d’entreprendre alors qu’on attend un enfant… Le DPNI est finalement revenu négatif, heureusement. Entre temps j’avais eu ma première écho qui s’était bien passée.
On prévoyait déjà un gros bébé, mais tout allait bien. Mais je restais avec cette inquiétude, je n’arrivais pas à être sereine et à me réjouir vraiment. Le mois de juillet est arrivé, mon conjoint étant enseignant il était en vacances. Nous étions donc tous les 3 à la maison, sous les 35 à 40 degrés lyonnais. Nous attendions la fin du mois et la 2 écho pour partir en vacances ensuite.
Arrive le jour de la 2ème écho.
A cause du Covid, mon conjoint n’avait pu être présent à aucun rdv depuis le début de ma grossesse.
On décida quand même de tenter celui-ci tous les 2 et il put y assister, et heureusement…Le rendez-vous commença en toute détente, je commençais à bien connaître la médecin qui me faisait l’écho car elle m’avait déjà suivie pour mon premier enfant. Une fois passées les premières minutes à chercher seulement pour le plaisir les différentes parties du corps de notre bébé, la médecin entra dans le vif du sujet. Les mesures confirmaient que ce serait sûrement un gros et grand bébé, tous les indicateurs étaient au-delà de 95 percentiles. Puis elle regarda les organes, et d’un coup elle ne dit plus rien. Pendant de longues minutes, interminables minutes, peut-être 10, 15? Je ne sais pas. Elle restait sur les poumons à regarder sous tous les angles, à analyser les flux, et je sentais ressurgir en moi l’inquiétude. Quelque chose n’allait pas.
A la fin de l’examen elle posa sa main tout doucement sur mon ventre et me dit « venez vous asseoir je vais vous expliquer. Il y a un problème au poumon ».
Mon monde se déroba, j’étais hébétée et en même temps tout faisait sens. Je sentais que quelque chose n’allait pas depuis le début et j’en avais maintenant la confirmation.
C’était donc ça le problème, les poumons. Elle nous expliqua qu’elle voyait une malformation dans un des lobes du poumon gauche et qu’il fallait qu’on voit très vite un médecin du centre de dépistage anténatal de l’hôpital de La Croix Rousse à Lyon, pour savoir « quoi faire pour la suite ». Elle appela devant nous pour nous prendre rdv une semaine plus tard.
Je me mît à pleurer toutes les larmes de mon corps derrière mon masque, non, cela n’arrivait pas qu’aux autres. Colin lui ne réagissait pas, il me regardait et ne comprenait pas pourquoi je pleurais. L’information ne parvenait pas à son cerveau, il n’arrivait pas à traiter la nouvelle. C’est la médecin qui lui dit « monsieur vous ne réagissez pas, vous avez compris ce que j’ai dit? », et c’est à ce moment qu’il commença à réaliser, cette nouvelle était pour lui impossible à entendre. Mais oui, notre fils-même-pas-né était malade.
Une semaine d’attente interminable passée, nous voilà début août au centre de dépistage.
Tous les deux, mains dans la main et le cœur palpitant. C’est le chef de service qui s’est occupé de nous. Presque une heure de retard, de quoi faire monter la pression. Le docteur nous reçoit, il m’installe rapidement pour faire une échographie, une interne est là. Il lui explique les images qu’il voit, mais ne nous dit rien. Parle de malformation, de déviation mediastinale, de flux… Il prend des mesures, il m’appuie très très fort sur le ventre. J’ai mal, je souffle fort pour supporter la douleur et tenter d’avoir les meilleures images possible. Après 30 minutes d’examen sans un mot, le médecin me dit de me rhabiller et qu’il va nous expliquer.
On s’installe à son bureau, et il se met à taper son rapport, pendant 10 minutes, toujours sans nous dire un mot. Je commence à en avoir marre, nous sommes les premiers concernés mais on ne nous dit rien. Colin commence à perdre patience, heureusement le médecin lève enfin les yeux sur nous.
Il nous dit « bon c’est bien ce qu’on vous avait dit, une malformation adenomatoïde kystique pulmonaire ».
Première nouvelle en fait, car on ne nous avait rien dit ! Il ne nous dit pas grand chose mais nous explique quand même que ce n’est pas une affection mortelle. Que notre bébé devrait respirer normalement à la naissance et que c’est une pathologie qu’on prend en charge dans les premiers mois de vie. Certainement avec une opération d’ablation d’une partie du lobe. Il nous dit aussi que je ne pourrais pas accoucher dans l’hôpital dans lequel j’étais inscrite, car un niveau 1 ne suffit pas. Il faut un niveau 3 « au cas où ».
C’est bête mais j’ai eu beaucoup de mal à digérer ce changement d’hôpital car je voulais accoucher dans le même hôpital que pour Marius. Je sais qu’ils y dosent extrêmement bien les péridurales, pour calmer la douleur sans anesthésier tous le bas du corps, juste ce qu’il faut pour sentir le bébé passer sans avoir trop mal. Bref, il nous demande de revenir dans 3 semaines pour un nouveau contrôle car c’est une pathologie qui évolue.
Rdv fin août, avec un autre médecin (ouf!). L’approche est différente, on s’en rend compte tout de suite, il parle ! Avant l’examen il nous explique la MAKP dont avait parlé le médecin début août. Puis procède à l’écho en n’appuyant pas comme une brute, lui. Il nous explique aussi tout ce qu’il voit. Qu’il n’est pas certain du diagnostic de MAKP, il ne voit plus de kyste, mais il voit un gros « vaisseau afférent » qui lui ferait penser à une séquestration pulmonaire.
Il prend le temps ensuite de bien nous expliquer tout ce qu’il a vu et ses hypothèses.
Il nous dit qu’il faut aller dans un autre hôpital, à l’Hôpital Femme Mère Enfant, une institution dans la région lyonnaise. Un immense hôpital qu’on nomme HFME et que tout le monde connaît tant il est grand.
Il y a là bas des chirurgiens qui seront en capacité d’opérer notre enfant, alors autant tout faire au même endroit. Passons les détails mais le suivi toutes les 3 semaines à donc continué dans cet hôpital à partir du mois de septembre. Nous avons été reçus on ne peut mieux, par tous les soignants croisés dans cet hôpital. Et ce jusqu’à la fin d’ailleurs. Je ne voulais pas y aller dans cette usine, mais mon avis à vite changé devant tant de gentillesse. J’ai eu plusieurs échographies ainsi qu’un rdv avec le chirurgien, on nous a tout expliqué en long en large et en travers.
Nous savions tout de la malformation, et avons été prévenus que l’opération consistant à l’ablation d’une partie du lobe malade se ferait entre ses 3 et 6 mois de vie.
Je passe les explications techniques mais nous avons dû intégrer de nombreuses informations médicales et nous faire à l’idée que notre bébé serait malade. C’était contre nature, difficile à accepter car il n’était pas encore né qu’il était déjà malade. J’avais fait se développer en moi un bébé malade. Je ne suis pas du genre à me lamenter ou à voir les choses de manière négative. Mais j’ai eu bien du mal à contrôler mes émotions pendant toute cette période de doutes, d’incertitudes et d’attente. Attente car il fallait confirmer la pathologie au cours de son premier mois de vie par une IRM. D’ici là on était plus sur des suppositions que sur un diagnostic ferme. Les images ne permettant pas de poser avec certitude un diagnostic valable à 100%.
Parallèlement à la pathologie. On nous a confirmé à chaque écho qu’il fallait s’attendre à un gros bébé, probablement entre 4 et 5kg. Cette donnée me foutait une pression pas possible.
J’avais très peur d’avoir une césarienne et de galérer physiquement par la suite. Mais j’avais aussi peur d’un accouchement par voie basse, et s’il ne passait pas ? Et si la tête sortait mais que le reste du corps restait bloqué à l’intérieur ? J’y ai souvent pensé avec angoisse, sans trouver de réponse…Ma DPA étant au 24 novembre 2020, j’étais en plein dans la 2e vague du Covid, celle qui a été la pire pour nous à Lyon. J’étais également fortement sous pression quant aux conditions dans lesquelles j’allais accoucher, devrais-je porter le masque ? Colin pourrait-il être là ? Et si j’avais une césarienne d’urgence comment ça se passerait ? Et Marius pourrait-il venir à la maternité voir son frère ?
Bref, entre septembre et mon accouchement en novembre.
J’ai eu 1000 questions en tête auxquelles je n’avais pas toujours de réponse ce qui était frustrant et flippant !
Les rdv de contrôle passant, je me rapprochais de la date prévue d’accouchement. Le gynécologue qui me suivait au centre de dépistage avait évoqué un déclenchement pour que mon bébé naisse « moins gros ». Vers 38 sa j’ai été orientée dans un autre service de l’HFME. J’ai eu RDV avec une sage femme, cette fois, pour une écho de contrôle. Elle m’ausculta et m’indiqua qu’il n’y aurait pas de déclenchement. Qu’on déclenchait pour éviter les gros bébés chez les femmes diabétiques uniquement, et ce n’était pas mon cas.
Elle me dit que mon bébé passerait parce que j’étais grande et blablabla… Elle me proposa un décollement des membranes que j’accepta et rentra chez moi après. Aucun effet… RDV une semaine plus tard, elle me pose le monito et les minutes passent… Une heure, deux heures… Au bout d’un moment elle revient en me disant qu’il y a eu de grosses chutes du rythme cardiaque foetal. Qu’elle a contacté le médecin, et qu’il préconise un déclenchement dès que possible. Car le rythme est vraiment descendu très bas et a mis un peu de temps à remonter. Et qu’il faut éviter une souffrance foetale.
Lundi 16 novembre 2020. Je suis donc admise au service des grossesses pathologiques pour la nuit en vue d’un déclenchement le lendemain.
J’ai un monito toutes les 2 heures, le rythme est correct, je suis plutôt rassurée. Je vais donc être déclenchée à 40 sa tout pile. Le lendemain matin, les médecins passent et m’expliquent les différentes possibilités qui s’offrent à moi pour le déclenchement. Dans ce super hôpital on laisse à la femme le choix de son déclenchement ! Sur le papier c’est top, en pratique c’est déconcertant car on n’a pas l’habitude de devoir choisir, et surtout j’ai eu peur de ne pas choisir la meilleure méthode.
J’avais 3 choix je crois dont le tampon d’hormones ou les comprimés d’hormones à prendre toutes les 2h. Je m’oriente finalement sur les comprimés qui ont l’avantage d’être progressifs dans le sens où il faut en prendre un toutes les 2h, et si l’effet est trop fort, on peut arrêter la prise. Transférée dans le service de pré-travail, je commence la prise des comprimés à 13h. Ça fonctionne direct, je suis super contente car on m’avait prévenue que ça pouvait ne pas marcher, et que certains déclenchements se faisaient sur 3 jours…
Contractions bien présentes mais pas douloureuses, je continue… Cachets de 15h puis 17h, on monte crescendo, on se balade dehors avec Colin, on est excités, on a hâte de rencontrer notre bébé. Les contractions sont bien présentes et s’intensifient, mais tout est gérable. Dernier check up à 19h avant un cachet, mon col est ouvert à 3. La douleur commence à s’installer mais c’est supportable, je décide d’en prendre un de plus…
19h30 ça devient très sportif !
Contractions très fortes, très longues, et très rapprochées, j’ai très peu de temps entre chaque pour me remettre. Alors je dis à Colin d’aller manger car je ne vais pas tenir longtemps comme ça. Je gère tant bien que mal les contractions, ballon, puis longue douche, j’ai horriblement mal, c’est atroce.
Je croise une sage-femme et lui dis que je ne tiens plus. Elle me dit que la salle de travail est en préparation et que je vais pouvoir y aller.20h30 j’atteins la salle de travail avec une douleur impossible, je peine à dire bonjour au sage-femme et sa stagiaire qui m’accueillent. On m’avait prévenue que la douleur suite à un déclenchement était bien plus forte qu’à la normale, mais je ne m’attendais pas à cette puissance. Le sage-femme voit ma détresse et appelle de suite l’anesthésiste.
La péridurale était « obligatoire » pour moi de toutes façons, c’est le protocole de l’HFME en cas de suspicion de macrosomie (gros bébé). Ça tombe bien car je comptais de toutes façons en avoir une.
La péridurale sera posée aux alentours de 21h30 après quelques galères de cathéter. Je dois rester immobilisée sur le dos pendant 15 minutes car lors de mon 1er accouchement, je n’avais été anesthésiée que d’un côté, ils veulent donc éviter que cela se reproduise. S’en suivront les 15 plus longues minutes de ma vie que je n’oublierai jamais. Outre la douleur insupportable empirée par la position allongée sur le dos. J’ai commencé à avoir d’une part une migraine ophtalmique, donc plus de vision centrale… OK c’est pas douloureux passons.
Ensuite ma tension a chuté fortement d’un coup, j’avais l’impression de partir, de me vider entièrement de mon énergie… C’était une sensation affreuse. Puis, à chaque contraction, (toutes les 2 minutes quand même…) le rythme cardiaque du bébé faisait d’énormes décélérations, il descendait aux alentours de 50 et mettait un moment à se remettre. La tension dans la salle était palpable, l’infirmière anesthésiste, le sage-femme et la stagiaire restaient auprès de moi en vérifiant les chiffres.
Puis d’un coup, plus de rythme cardiaque foetal au monito. Les bips de partout, l’empressement du SF pour essayer de retrouver le rythme, mais rien, pendant des secondes, puis des minutes. Personne ne disait plus rien. Je pensais qu’il était mort, j’étais tétanisée…
Finalement, au bout de 3-4 minutes INTERMINABLES, il le retrouva et je fondis en larmes de soulagement.Le SF me dit « écoutez, il faut qu’on agisse vite, on a peu de temps, vous êtes en souffrance. La tension est trop basse et le bébé aussi, il est calé sur vous. Dès que ça ne va pas lui non plus ne va pas bien, donc on va se préparer, on va percer la poche des eaux et vous allez accoucher très vite ».
Poche des eaux percée, il m’ausculte 10 minutes plus tard, je suis à 10 ! Incroyable comme c’est allé vite, il est un peu plus de 22h et il me prépare pour la poussée. 1er essai, je sens que je pousse mal, je retrouve mes sensations de mon 1er accouchement, sur la 2e poussée je mets le paquet, je ne veux ni instruments ni césarienne alors go ! Je pousse plusieurs fois sur la même contraction et la tête sort. Je repousse ensuite pour sortir les épaules, mais il me dit « attendez ne poussez plus ». Puis je le vois s’agiter en bas et il dit à sa stagiaire « appelle tout le monde ». La tension est très élevée. Je comprends qu’il y a un problème, je lui demande ce qu’il se passe il me dit « la tête est sortie mais le corps ne passe pas, il est bloqué ».
Comme dans mes pire cauchemars, la tête dehors, le reste du corps dedans, trop grand, trop gros pour sortir. On fait quoi dans ces cas là ?
Je n’ai pas eu le temps de paniquer, je sens qu’il fait une manipulation et me dit « il va falloir pousser de toutes vos forces on a peu de temps ». Alors je pousse, comme une brute. Sans rien retenir, préserver mon périnée, je n’en ai rien à faire à ce moment là. Au moment où toute l’équipe arrive dans la salle, le SF me demande de pousser très fort, je prends une grande respiration et donne tout ce que j’ai et il sort enfin.
Le SF est très soulagé, il me félicite 1000 fois, me dit que c’est grâce à moi, que si je n’avais pas aussi bien poussé il ne serait pas sorti. Je vois mon bébé, mon grand bébé, mon gros bébé (55cm et 4,3kg ) et une vague d’amour nous submerge Colin et moi.
Je suis encore inquiète car je vois qu’il est sonné. Il a dû mal à prendre des couleurs, il est un peu mou.
Je panique un peu, je me demande s’il est vivant, s’il va bien, j’entends le SF dire à ses collègues « ça a craqué ». Il me reprend mon bébé et me dit qu’il va bien mais qu’il est un peu sonné. La pédiatre qui était arrivée en trombe l’examine, regarde aussi ses poumons de suite pour voir qu’il respire bien malgré sa malformation.
Pendant ce temps le SF m’explique qu’il pense que notre bébé a peut-être une fracture de la clavicule. Il m’explique alors qu’il a dû procéder à une manipulation bien spécifique car Gustave présentait une dystocie des épaules. En gros, ses épaules, trop larges, étaient bloquées dans mon bassin, et ne pouvaient pas sortir seules.
Il m’explique, les yeux dans les yeux, en prenant tout son temps et en mesurant l’importance du geste qu’il a fait, et surtout l’importance de me l’expliquer, que lors d’une dystocie il faut agir vite car il y a un risque d’asphyxie. Il m’explique avoir donc mis sa main dans mon vagin pour aller chercher son bras et abaisser son épaule. Ainsi il a pu tirer son bras pour le sortir et il a entendu craquer. Je ne rapporte peut-être pas exactement ce qu’il m’a dit car j’étais sonnée, sous le choc.
J’avais l’impression d’être encore dans le tunnel. Après une grossesse aussi délicate, on passe à 2 doigts d’une catastrophe à l’accouchement et mon bébé a peine né à déjà une fracture.
Le SF a ensuite pratiqué les premiers examens de base du nouveau-né. Il l’examine sous toutes les coutures pour vérifier je ne sais quoi. Et puis il le tourne, regarde son dos, et son regard reste bloqué sur le bas de son dos. Je le vois de loin montrer le bas de la colonne vertébrale à sa stagiaire. Il lui dit d’appeler la pédiatre qui était repartie.
C’est un cauchemar, à ce moment je me fais le résumé des événements, mon bébé à une malformation pulmonaire, il aurait pu mourir à cause de la dystocie des épaules, s’en sort finalement avec une possible fracture de la clavicule. Mais il y a encore un problème.
Ce n’est pas possible, comment autant de galères peuvent nous arriver ? La voix chevrotante je demande au SF ce qu’il se passe. Il m’explique qu’il a un trou au niveau du bas de la colonne vertébrale et qu’il faut vérifier ce que c’est. Je lui demande si c’est une caméra cachée et quand ça va s’arrêter. La pédiatre arrive, elle regarde, elle m’explique qu’elle pense que c’est un trou borgne, qu’on voit le fond. Et que par conséquent ce ne serait pas un spina bifida, ou alors une forme pas grave. Et ce spina bifida raisonne déjà dans ma tête, j’essaye de rester sereine mais je sais ce que c’est, ça peut être grave.
Conclusion, il faut passer une échographie le lendemain matin pour vérifier tout ça, et faire aussi une radio de la clavicule pour voir si c’est cassé.
Après toutes ces péripéties on nous a rendu notre bébé et j’ai proposé à Colin de faire du peau à peau avec lui. Colin c’est le genre d’homme hyper investi, qui envie un peu le côté charnel de la maternité et qui aurait bien aimé ressentir ce que ça fait d’être enceinte.
Les voir tous les 2 en peau à peau m’a fait presque oublier tout ce qu’on venait de vivre. Ils étaient beaux, et notre fils était là, il respirait normalement, il semblait aller bien. Je me focalisais sur le positif.
L’équipe médicale a ensuite donné un biberon à Colin pour qu’il nourrisse Gustave. C’est le protocole pour les bébés de plus de 4kg pour éviter une hypoglycémie, on ne me demande pas encore pour l’allaitement, on verra plus tard !
Après quelques instants en apesanteur tous les 3 le SF revient, je lui demande si c’est pas trop une zone de guerre en bas… Il me dit qu’il n’a pas fait d’épisiotomie et que ça va très bien, que j’ai seulement quelques petites déchirures superficielles, ouf!
Je suis soulagée, enfin une bonne nouvelle !
Il commence à recoudre en expliquant tout à sa stagiaire. A posteriori c’est un peu spécial quand même ces moments, mais il faut bien former les nouvelles générations… les sutures dureront plus d’une heure, une éternité pour seulement quelques déchirures superficielles, je me dit à ce moment là que ça doit être sacrément bien fait ! Nous sommes restés plusieurs heures en salle de naissance avant de monter dans notre chambre au milieu de la nuit.
Arrivés là haut, je décide d’essayer de lui donner le sein.
Pour mon premier enfant la question ne s’était pas posée, je n’avais même pas essayé de l’allaiter, je n’en avais pas envie et j’ai vécu un biberonnage très heureux, sans regrets. Pour Gustave, j’imagine que le fait qu’il soit déjà malade in utero a orienté mon choix, inconsciemment. Je m’étais plus renseignée car je l’envisageais comme une possibilité, et j’avais lu que cela renforcait le système pulmonaire du bébé, vu la maladie, je voulais donc essayer. J’avais aussi lu que la mise en place était souvent compliquée, de plus je souffrais d’eczéma autour du mamelon et j’avais une plaie qui ne se refermait presque jamais, ma peau était à vif et je saignais souvent.
J’étais donc à peu près convaincue que cela ne marcherait pas et que je ne me battrais pas pour le mettre en place. J’ai donné la première tétée assez « tardivement », 3-4h après l’accouchement.
J’ai eu un fou rire incroyable, c’était tellement étrange pour moi cette sensation, et tellement pas naturel en fait !
Il tétait très fort et la prise du sein semblait être nickel, on a donc continué comme cela, sans se poser aucune question, sans rencontrer de problème non plus, à part un inconfort les premiers jours, mais pas vraiment de douleur, mes mamelons étant seulement ultra sensibles.Cet allaitement, contre toute attente, et à ma grande surprise dure encore maintenant, Gustave a eu un an. On vit un allaitement tellement naturel, sans problème, sans pression, sans jugements. J’ai d’ailleurs donné mon lait au lactarium pendant 4 mois, et ça a été une grande fierté pour moi qui n’envisageait auparavant pas l’allaitement comme une possibilité.
Durant les 3 jours passés a l’hôpital, Gustave a passé une radio qui a confirmé la fracture de la clavicule. Et une échographie qui montrait que la fossette était bien fermée et que c’était donc juste une malformation superficielle. Ouf.
Pour son poumon malade, il a fallu passer une IRM puis un scanner, je passe les détails, ça a été compliqué car étant tout petit le personnel médical voulait éviter une anesthésie, le but était donc qu’il fasse la sieste pendant l’examen. Mais qui peut vraiment dormir pendant une IRM, c’est tellement bruyant. Bref. Échec cuisant, il a finalement fallu lui faire l’anesthésie générale après avoir essayé pendant 8h de l’installer endormi pour l’examen… Mais cela s’est heureusement bien passé. Les résultats ont été surprenants car c’était moins grave que ce qu’on voyait in utero.
Le chirurgien nous a reçus lorsque Gustave avait 3 mois. Et c’était pour de bonnes nouvelles car selon lui il valait mieux attendre de voir comment évoluait la malformation avant d’opérer. Nous avons donc des rdv tous les 6 mois chez le pneumologue et une IRM aux alentours de ses 2 ans pour voir si cela évolue dans le bon sens. Si ce n’est pas le cas alors il faudra peut-être envisager une opération à ce moment là.
Entre la découverte de la pathologie à 5 mois de grossesse et ce rdv 3 mois après sa naissance. On sera donc passé d’une pathologie qui nécessitait d’opérer notre fils avant ses 6 mois pour lui enlever toute la partie du poumon mal formée à une pathologie qui nécessite simplement un suivi régulier pour le moment.C’est à partir de ce moment qu’on a vraiment pu commencer à souffler.
Depuis nous savourons chaque instant passé avec ce petit être exceptionnel.
Il est arrivé dans notre famille comme une évidence. Son grand-frère Marius est dingue de lui, ils ont un amour l’un envers l’autre si pur et si fort. Ils ne se lâchent pas et passent déjà beaucoup de temps ensemble à jouer, se faire des câlins, des bisous et rire aux éclats.Gustave est un bébé joyeux, rigolo, rieur et souriant, il passe son temps à sourire à qui demande et est très bon public face aux bêtises de son frère.Il est déterminé et sait bien nous le montrer, quand il veut quelque chose on le sait très vite.
Ce post partum a été d’une douceur infinie, tout a été simple, je n’ai eu aucune baisse de moral.
L’allaitement a été d’un naturel déconcertant, j’ai vite compris comment fonctionnait Gustave (qui on peut le dire était un bébé facile) et il a fait très rapidement partie de notre quotidien comme s’il avait toujours été là. Le lâcher prise que j’avais déjà expérimenté à marche forcée avec mon premier fils Marius a été appliqué dans toutes les largeurs dès l’accouchement !
Nous avons par contre eu des nuits archi pourries jusqu’à ses 10 mois et demi! C’était terrible car il se réveillait entre 3 et 10 fois par nuit, et qu’il tétait à chaque fois. Mais même au plus dur des nuits, je restais positive. Je savais que cela passerait et j’arrivais à rester lucide à ce propos, mon esprit était fort alors mon corps tenait. Je ne peux l’expliquer que comme cela car ne pas dormir plus de 2h d’affilée pendant des mois c’est quand même une sacrée épreuve.
Il faut dire que je n’étais pas seule pour traverser cette période, Colin s’est levé à l’aube (et même bien avant) la plupart du temps, me permettant de me rendormir un peu pour récupérer.
Chaque femme est différente, chaque bébé est unique et toutes les histoires sont singulières. Mais je peux témoigner par mon histoire avec Gustave que le post partum peut aussi être d’une douceur immense.
Et que malgré la maladie qui a hanté nos nuits des mois durant et un accouchement qui nous a fait passer juste à côté du chao. La lumière s’est retrouvée très vite sur notre chemin et elle y restera pour longtemps je l’espère.