Mon Post-Partum

postpartum-inceste

Quand le post partum se confronte à l’inceste.

Je m’appelle Charlotte, j’ai 34 ans. Je suis professeure documentaliste en collège et référente de réseau éducation prioritaire dans mon établissement. Cette année j’ai pris une mise à disponibilité pour prendre soin de moi suite au réveil de la mémoire traumatique après la naissance de ma 2ème fille en août 2018.

Je suis maman de 3 enfants, Thibault qui va avoir 11 ans le 25 mai, dont je suis séparée du papa depuis 2014. Lina née le 3 août 2018 et Hanna née le 17 avril dernier.

POUR MES 3 GROSSESSES J’AVAIS UNE IDÉE TRÈS PRÉCISE DE CE QUE JE VOULAIS : UNE GROSSESSE, UN ACCOUCHEMENT ET L’ARRIVÉE DE BÉBÉ LA PLUS NATURELLE POSSIBLE.

Je rêvais d’un accouchement physiologique sans péridurale, dans l’eau à la maison, d’un allaitement long et de couches lavables. Autant dire que rien ne s’est passé comme prévu… Pour mon premier j’ai été complètement choquée par la douleur des contractions et un col qui ne s’ouvrait pas…

J’étais jeune et je n’y connaissais rien. Je me suis laissée aller entre les mains du corps médical. Résultat : perfusion pour accélère le travail, perçage de la poche des eaux sans mon accord pour accélérer le travail parce que la sage femme voulait voir mon bébé avant de finir son service. Impossible d’allaiter soit disant selon les puéricultrices car bébé trop « gros » (4.310kg) donc on me donne des biberons.

Retour à la maison, seule, un conjoint complètement absent qui travaillait 50h par semaine. Loin de ma famille. Un petit bébé qui hurlait de douleur à cause du lait artificiel qui ne lui convenait pas. Moi qui pleurait d’entendre mon bébé pleurer dans son lit dans sa chambre, mon instinct qui me hurlait de le prendre dans ma chambre dans mon lit. Mais maman et mon conjoint me répétaient l’importance de le laisser pleurer.

DE FIL EN AIGUILLE, LA DÉPRESSION A POINTÉ LE BOUT DE SON NEZ, MÉLANGÉE AUX IMAGES D’INCESTE PATERNEL QUE JE REFOULAIS PENSANT QUE J’ÉTAIS FOLLE.

J’ai fini sous antidépresseurs et antianxiolitiques pendant plusieurs mois. Pour ma deuxième il était hors de question de revivre le même schéma. J’avais beaucoup évolué, lu et appris beaucoup de choses. Je me suis préparée au mieux pour un accouchement physiologique (homéopathie, tisanes de framboisier, acupuncture, méthode Bonapace). Mais encore une fois rien ne s’est passé comme je l’aurais aimé. Le jour du terme, col à 1cm mais plus une seule goutte de liquide amniotique. Déclenchement obligatoire. On me pose des ballonnets. L’horreur ! Quelle intrusion physiologique…

Je suis en chambre double, le comble suite à une dispute entre la sage femme et la personne d’à côté, on demande à mon mari de partir car on vient de demander à l’accompagnant d’à côté de partir.. Je me retrouve seule avec des contractions toutes les 3 minutes.

Après 12h de contractions, la douleur devient atroce. Mon mari n’est toujours pas là. On ne m’a pas fait de monitoring depuis plus de 12h ! Je sens que quelque chose ne va pas la douleur est trop forte. On finit par me descendre en salle d’accouchement. Col à peine à 2cm, monitoring alarmant : le cœur de ma puce ne supporte pas les contractions. L’équipe décide alors de me faire un PH: c’est à dire aller prélever du sang sur la tête de ma fille afin de connaître son niveau d’oxygènation.

La démarche est terriblement douloureuse et invasive.

L’interne doit recommencer 4 fois car il n’a pas assez de sang à cause de la chevelure de mon bébé. Horrible. Tout le monde s’affole pour pratiquer une césarienne en urgence, par miracle mon col a lâché en 30 minutes je suis passée de 2 à 10. J’ai pu accoucher par voie basse mais n’ai eu l’autorisation de ne pousser qu’une seule fois. La gynécologue a dû prendre la ventouse pour aider la sortie de bébé.

Le retour à la maison est plus serein que pour mon premier même si l’allaitement a été extrêmement difficile à mettre en place. Crevasses, saignements.. J’ai heureusement été suivie et soutenue par une conseillère en lactation. Les deux premiers mois ont été assez difficiles car à cause de l’accouchement catastrophique, ma puce est née avec des cervicales coincées (syndrome de KISS). Pendant 2 mois elle ne dormait pas plus de 10, 20 minutes sans s’étrangler.

HEUREUSEMENT LE CODODO, L’ALLAITEMENT, LE PORTAGE EN ÉCHARPE ET LES SÉANCES D’OSTÉOPATHIE ONT ÉTÉ TRÈS BÉNÉFIQUES.

EN PARALLÈLE DE TOUT CELA LES SOUVENIRS DE L’INCESTE ONT REFAIT SURFACE. CETTE FOIS J’AI ALORS DÉCIDÉ D’Y FAIRE FACE.

LE DÉBUT D’UN ÉNORME TRAVAIL PSYCHOLOGIQUE AUJOURD’HUI TOUJOURS EN COURS.

J’ai allaité ma 2ème pendant 2 ans. Quel bonheur. Je suis tombée enceinte de ma 3ème le jour des 2 ans de Lina. Cette grossesse des 3, a été la plus douloureuse tant physiquement que psychologiquement. Mes parents ont divorcé quand j’ai décidé de briser le silence, de nombreux problèmes dans mon couple, et opérée d’une occlusion intestinale en extrême urgence à 7 mois de grossesse. Je suis donc arrivée à la maternité 15 jours avant le terme en ayant un abdomen en cicatrisation. C’était vu avec la gynécologue, aucun déclenchement possible car ce serait trop dangereux pour moi. Après 24h de contractions, je commence à saigner. La poche des eaux était fissurée.

Même schéma que les 2 premiers, mon col ne s’ouvre pas malgré les contractions extrêmement fortes et rapprochées. Puis tout s’arrête pendant presque 1 heure, plus aucune contaction.

Je sens que quelque chose ne va pas. Elles reviennent d’une violence extrême et je sens dans mon ventre quelque chose d’anormal.

Le monitoring s’arrête d’un coup.. Plus de rythme cardiaque. Panique à bord on m’emmène en courant dans la salle d’accouchement. 6 ou 7 personnes autour de moi, masque à oxygène, on me tourne dans tous les sens je ne maîtrise plus rien. C’est horrible. Ils décident de percer la poche des eaux car ils ont un doute sur le liquide. Doute avéré mon utérus est rempli de sang et bébé en a avalé beaucoup. Césarienne en urgence. Quel choc et quel traumatisme.

Etre impuissante, sentir toutes ces personnes envahir notre corps sans pouvoir réagir. On me montre à peine ma fille et on m’explique qu’elle ne peut pas respirer sans oxygène. Ma première pensée en salle de réveil face à la douleur horrible a été : mais comment je vais m’occuper de mon bébé et de mes enfants ? Je remonte en chambre, je n’ai pas vu ma fille depuis le bloc soit 4h avant et on m’annonce que je ne pourrais pas passer la première nuit avec elle car elle est perfusée et sous oxygène. L’horreur.

C’EST INIMAGINABLE LA DOULEUR QUE L’ON RESSENT. TANT PHYSIQUEMENT POST CÉSARIENNE QUE PSYCHOLOGIQUEMENT.

Les premiers jours sont extrêmement difficiles, ce sentiment d’impuissance de ne pas pouvoir se lever pour changer son bébé ou le porter. Ainsi le retour à la maison tout aussi difficile. Je suis submergée par les angoisses. La peur de mourir suite à mes deux opérations en 3 mois , de ne plus pouvoir vivre normalement.

La souffrance de l’inceste est tellement présente que je suffoque. La douleur de la césarienne est horrible et je me demande quand est-ce que je vais retrouver ma force vitale.

La seule chose que je veux dire à toutes les futures mamans, peu importe l’accouchement et les traumatismes vécus: ne restez pas seules. Être entourée et aider au quotidien est primordial pour traverser cette période de post partum.

Comments

  • Raphaëlle Carpentier
    22 juillet 2021

    Tellement émouvant et déchirant. Quelles épreuves tu as Dû traverser. Le post partum est une période rarement facile mais ici c’était vraiment des épreuves à surmonter. Je t’admire pour ton courage et ta détermination

Sorry, the comment form is closed at this time.

mon post partum logo
Paris 17ème 07.57.43.42.55 monpostpartum.ledocumentaire@gmail.com