Mon Post-Partum

mère

« Suis-je autre chose qu’une mère désormais ? »

J’avais senti l’alerte quelques fois depuis 9 mois. Comme un sentiment de panique qui me traversait : « suis je autre chose qu’une mère désormais ? ». Mais j’étais tellement prise dans la réalité avec ma fille, que j’avais mis cette question de côté.

Depuis quelques jours, je n’ai pas envie d’amener ma fille à la crèche, alors que tout s’y passe bien pour elle. Moi ? Oui je suis contente qu’elle y aille, on m’avait dit : «ça va te faire du bien, tu vas souffler, retrouver ta liberté». Sauf que ma fille ne m’a jamais emprisonnée. J’aime les
journées avec ma fille, j’ai presque honte de le dire, tant on lit partout que la maternité est éreintante. J’ai honte aussi quand je lis les accouchements des copines, les post-partum éprouvants. Je n’ose presque pas en parler.

Mon accouchement a été idyllique. Mon post-partum ne m’a pas sauté à la figure. Je savais que j’allais détester la fatigue. J’ai pleuré, j’ai
patienté. J’ai regardé ma fille en m’assurant que ça passerait de toute façon trop vite, alors la fatigue, je pouvais bien la prendre sous le bras. Comme m’avait dit une amie : «la fatigue, je l’apprivoise, j’en fais ma meilleure alliée». Aux trois mois de C., je me suis retrouvée seule avec
elle, pendant de longues journées. En trois mois, j’avais eu la chance d’être toujours avec le papa, ou ma famille, ou mes amis. Là j’ai paniqué, mais ça n’a pas duré. Ensuite, ça n’a été que du bonheur. Au bout de 3 mois, j’ai décidé d’aimer la mère que j’étais devenue.

Début février, alors que je venais de perdre mon papa, mon bébé a pris le chemin de la crèche. Je n’avais pas peur pour elle, mais pour moi. Je savais qu’après ces mois de bonheur et le drame qui venait de se jouer dans ma vie, j’allais me retrouver face à moi-même. Et sans ma fille, que
devenais-je ?

Je ne suis plus la fille de mon père, je ne suis pas une amoureuse (le papa de C. est un ami qui aime les hommes), j’ai la sensation de ne pas savoir apaiser ma sœur, de ne pas savoir soutenir mes amies, de ne pas être tendre avec ma mère. Je ne suis plus directrice de crèche. J’essaie
d’écrire un livre que je dois rendre fin juin. J’essaie de développer mon activité d’accompagnante parentale. J’essaie de monter un tiers lieu, avec une crèche à l’intérieur.

Surtout, j’ai l’impression qu’au regard des autres, je ne suis plus que ça, cette étiquette autant imposante qu’agaçante : une mère. Pourtant, si je cherche au fond de moi, j’adore cette identité, je l’ai tellement attendue. Je suis la mère que je rêvais pour ma fille : douce, patiente, émerveillée, pleine de joie, à l’écoute, communicante. Dans chaque situation de ma vie, je ne peux enlever cette partie de moi. Je suis mère. Je suis la mère de ma fille, ce que j’ai fait de plus beau et d’incroyable. Ça n’enlève pas de cordes à mon arc, ça en rajoute. Donc, je ne suis pas que mère, mais je suis, moi, complète à cet instant. Demain des cordes se casseront et j’en mettrai des nouvelles.

Est ce qu’on ne vivrait pas cette étiquette comme une injonction à être autre chose ? J’ai une amie qui a accouché il y a dix jours, elle et son bébé ont eu la totale : forceps, ventouse, épisiotomie, hémorragie. En rentrant chez elle, elle me raconte : «j’ai voulu me maquiller, je ressemble à un clown». Je lui ai répondu « je suis sûre que tu es une maman toute belle et toute femme». Je ne sais pas pourquoi j’ai rajouté le mot femme à la fin. Évidement qu’elle est une femme ! Je trouve extrêmement complexe de trouver chacune son identité, car chaque ressenti est différent.

Je sais que certaines femmes détestent leur rôle de mère qui prend 95% de leur vie. D’autres font la part des choses. D’autres se révoltent. D’autres trouvent une voie professionnelle grâce à la maternité. D’autres se remettront toujours en question. D’autres ne sentent pas aliénées, être mères leur va comme un gant. Voilà, la recherche identitaire dela mère peut être la plus belle des aventures, elle peut aussi se révéler d’une complexité sans limites. Alors, on le dit, mais je le répète, soutenons-nous entre femmes, insistons sur le fait qu’il. n’y a pas une identité mais des identités, modelées par nos histoires, celles de nos partenaires, de nos bébés, de nos recherches intérieures.

Reconnaissons chacune d’entre nous, mères ou non, sans nous sentir attaquées ou jugées, mais plutôt en ressentant la chance de faire partie de
cette incroyable diversité d’identités.

Photo : @devynnleannephotography
Auteur : Camille Beaudou pour mon-post-partum.com

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